Ceci chaque semaine, nous vous parlons d'un album que nous pensons que vous devez prendre le temps d'écouter. L'album de cette semaine est Process, le premier album tant attendu de Sampha.
Sampha Sisay, 27 ans, a passé des années à jouer en arrière-plan ; c’est ce qu’il sait faire, où il se sent à l’aise, mais pas du tout au maximum de ses capacités. Demandez à Queen Bey, Frank, Yeezus, et le 6 God à son sujet : c’est un esprit avec l’habileté d’effleurer nos inquiétudes les plus profondes, même s’il reste dans l’ombre. Après plusieurs années de travail très en vue et pas d’album solo approprié à montrer, Process est symbolique d’une carrière en son premier acte : une œuvre de 40 minutes de proportions minutieusement métas. Sampha traverse un voyage solitaire à travers le tumulte et le triomphe, flanqué seulement de sa pitch distincte et d’un mélange éclectique de piano et d’électronica. Il nous laisse des instructions sur comment chérir ce que nous avons, affronter ce qui nous tue, et être assez courageux pour nous libérer.
Process est le mémoire d’un jeune homme avec un bagage à revendiquer : les nombreux échecs de Sampha dans le don et la conservation de l’amour, la mort de sa mère des suites d’un cancer, sa déconnexion de la maison, et un duel constant avec ses démons. Dès les premiers bips de Neil Armstrong sur “Plastic 100°C”, il fuit la pression d’une lumière qui le fait fondre à rien. Si ce n’est pas la lumière, ce sont les silhouettes encapuchonnées de “Blood on Me” qui le font crasher dans une poursuite acharnée, le poursuivant entre les rêves et la réalité. L’expression de cette dernière d’être poursuivi par quelque chose qu’on ne peut nommer, mais dont on est trop familier, est géniale dans la manière dont les démons restent sans nom ; ainsi, applicable à travers les générations pour tout traumatisme ou insécurités lancinantes qui se cachent à l’intérieur.
Alors que Sampha a tourné autour de nos haut-parleurs pendant des années, sa première véritable arrivée est aussi forte qu’elle se doit d’être, passant de lentes élans de piano à des excentricités électriques frénétiques à travers dix morceaux. Il est assez facile d'oublier les montées de douleur en admirant la chaleur dont elles sont couvertes ; la production de Sampha ne perd jamais le rythme avec le contenu, se transformant pour être aussi grandiose ou claustrophobe que nécessaire. “No One Knows Me (Like the Piano)” illustre cela, nous invitant dans sa maison d’enfance avec une boucle de piano lumineuse qui nous donne une place au premier rang pour entendre les derniers mots de sa mère. “Reverse Faults” est également un excellent morceau, offrant à Sampha l’occasion de réfléchir à ses propres erreurs avant de s’écraser dans une chute de style trap en réalisant à quel point il a tout gâché et blâmé son amante pour toutes ses erreurs.
L’écriture est le véritable point fort de Process, plaçant Sampha dans le haut du panier des producteurs pop avec le talent d’un dramaturge et le gémissement d’un romantique désespéré, ou plein d’espoir. Il parle de sa mère comme du piano chez elle qui lui a appris comment être. Il est friand d'images de crash de voiture pour illustrer ses tentatives d'évasion échouées, que ce soit de lui-même ou des autres. Il décrit un amour perdu comme le Paradis, se qualifiant de prisonnier d’elle qui ne peut visiter que pour observer l’endroit où il était autrefois piégé. Sampha ne travaille pas souvent dans la franchise, choisissant de faire preuve de flexibilité dans ses images pour transporter l’auditeur sans les perdre dans des clichés éculés. Quand il abaisse sa garde, c’est flatteur et dévastateur qu’il nous ait laissés entrer quand il l’a fait. Quand il admet simplement qu’il a merdé sur “Timmy’s Prayer”, ou qu’il reconnaît qu'il a fui de chez lui et n'a pas vu sa famille depuis des mois sur “What Shouldn’t I Be?”, ses admissions suffisent à elles seules à faciliter le regard intérieur de l’auditeur sur tout ce qu’il a laissé incomplet.
Peut-être que c’est la qualité la plus caractéristique de Sampha : laisser des choses inachevées. C’est ce qui fait de Process un commentaire sur lui-même : après 40 minutes de réflexion et de catharsis, Sampha laisse beaucoup d’affaires inachevées car le processus, lui-même, est quelque chose auquel il faut faire confiance encore et encore. Il ne se réjouit pas des fins lâches, mais nous encourage à saisir la prochaine occasion et à considérer ses erreurs comme des avertissements. Sampha a construit une œuvre à partir d’une narration frappante de la commonalité humaine et de chaque manière dont cela peut tourner sur un sou. Mais réduire cet album à un conte d’avertissement lui fait injustice ; c’est un triomphe de résonance émotionnelle et d’une maturité pop qui devient de plus en plus rare à chaque milliseconde. Sauf pour quelques moments de séquençage étranges et des choix soniques qui déçoivent un peu, c'est un presque parfait premier album d'un homme qui nous a graciés d'années de chances de nous affronter à nouveau. N’entrez pas pour un monument de jubilation ignorante ; non, attendez-vous à vous recroqueviller sur le pavé, à avaler vos échecs, et à trouver la fierté de vous relever et de recommencer à frapper.
Michael Penn II (surnommé CRASHprez) est un rappeur et ancien rédacteur pour VMP. Il est connu pour ses doigts agiles sur Twitter.
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